Abbaye Saint-Julien

Localisation :

Tours, îlot compris entre la Loire au nord, la Place Foire-le-Roi à l’est, la Grand-Rue (actuelle rue Colbert) au sud et la rue Ragueneau (actuelle rue Nationale) à l’ouest.

Dates :

Enclos compris entre la rue Ragueneau, la Grand-Rue (actuelle rue Colbert) et la place Foire-le-Roi

État du batiment :

Partiellement conservé

Église Saint-Julien.
Crédits : Photo © Léa Dupuis

Saint-Julien fut vraisemblablement fondée par Clovis à la suite de la bataille de Vouillé en 507. Le roi des Francs y installa des moines bénédictins originaires d’Auvergne à qui il confia la garde des reliques de saint Julien de Brioude, soldat romain devenu chrétien martyrisé en 304. Au Moyen Âge, les lieux connurent une histoire mouvementée. Ce premier sanctuaire fut détruit lors des invasions normandes entre 843-853. Vers 937, l’abbaye fut construite par l’archevêque de Tours Théotolon qui invita une nouvelle congrégation de moines bénédictins à investir les lieux. Il convia Odon, l’abbé de Cluny, à prendre sa tête. L’église fut consacrée en 943 [Guerlin, 1921, p. 186] et dotée d’un clocher-porche vers 966 par l’abbé Bernard. Menacés de ruines, les bâtiments furent reconstruits entre 1032 et 1040. À peine trois ans plus tard, l’abbaye fut envahie par Geoffroy Martel qui en fit sa résidence. Cette occupation engendra de nombreux dégâts. Frappée par un ouragan en 1225, il fallut reconstruire l’église [Guerlin, 1921, p. 187]. Cette dernière de style roman laissa la place à une église gothique achevée en 1259 [Guerlin, 1921, p. 188]. Par la suite, l’abbaye et son église subirent peu de transformations. Un nouveau réfectoire fut bâti en 1451 [Dugay, 1991, p. 7]. Deux chapelles absidiales furent ajoutées entre 1530 et 1540.

 

Abbaye de St Julien de Tours, Anonyme, 1871, Gravure extraite du Monasticon gallicanum, Dom Michel Germain, 1871, 30,5 x 40 cm, Tours, Bibliothèque municipale, Ic. Auv. 161.
Crédits : Photo © Bibliothèque municipale de Tours, cliché F. Joly

 

L’abbaye était alors au plus fort de son expansion. L’église, seul vestige de l’abbaye encore visible aujourd’hui avec une partie du cloître, présentait un porche, suivi d’une Nef à 5 travées longées par des collatéraux, à laquelle succédait un transept terminé par un grand Chevet plat. Le chevet donnait par des arcades sur des bas-côtés doubles. Un cloître s’étendait au nord de l’église [Guerlin, 1921, p. 189]. Les différents bâtiments s’organisaient autour du cloître. Les celliers y étaient placés au sud, la grande salle capitulaire à l’est [Dugay, 1991, p. 20], au nord, le réfectoire avec la cuisine et les espaces dédiés à l’accueil des hôtes et à l’étage, l’infirmerie de l’abbaye [Dugay, 1991, p. 21]. À l’Est, au-delà des bâtiments conventuels, s’étalaient les jardins puis le logis de l’abbé et ses jardins propres [Dugay, 1991, p. 21]. Cet ensemble composait un vaste enclos qui s’étendait d’ouest en est de la rue Ragueneau (actuelle rue Nationale) à la place Foire-le-Roi et du nord au sud de la Loire à la Grand-Rue (actuelle rue Colbert). La rue Ragueneau fut d’ailleurs percée sur le terrain de l’abbaye en 1483 [Noizet, paragraphe 12]. L’enclos se réduisit progressivement au gré des campagnes de lotissement. À partir de 1420-1430, le versant nord de la Grand-Rue vit émerger plusieurs maisons, ce qui repoussa la clôture de Saint-Julien plus au Nord [Noizet, paragraphe 12]. Même chose avec le lotissement de la place Foire-le-Roi qui appartenait au fief de Saint-Julien. En 1484, la place avait perdu la moitié de sa superficie [Chevalier, 1983, p. 222-223]. Ces campagnes successives témoignent de la spéculation immobilière à laquelle se livrèrent les chanoines sur les terrains compris dans leur enclos.

 

Abbaye Saint-Julien, détail du Terrier sommier du fief de la châtellenie du corps ou chef de l’abbaye de Saint-Julien, Letourneux, 1761, Archives départementales d’Indre-et-Loire, H528.
Crédits : © Archives départementales d’Indre-et-Loire, H528

 

Le XVe siècle et la première moitié du siècle suivant marquent les grandes heures de l’abbaye. Elle fut, en effet, le cadre d’événements prestigieux. En 1457, elle fut le théâtre des réjouissances données en l’honneur de l’ambassade du roi Ladislas de Bohème venu demander la main de la princesse Madeleine de France, fille du roi Charles VII et de Marie d’Anjou. La même année, sans que le mariage ait pu être célébré, Ladislas mourut. Madeleine reçut un nouveau promis en la personne de Gaston de Foix, prince de Viane. Les fiançailles eurent lieu, elles aussi, dans l’abbaye [Chalmel, 1818, p. 202-203]. Le 14 septembre 1510, un concile ou synode national s’y rassembla pour décider des suites données au comportement du pape Jules II [Giraudet, T. 1, p. 194].

L’année 1540 marqua l’arrivée d’abbés commendataires, peu soucieux de la gestion de l’établissement [Dugay, 1991, p. 8]. En 1562, l’abbaye subit les pillages des protestants sans pour autant que cela ne porte atteinte à l’intégrité des bâtiments. L’occupation provisoire des lieux par les institutions royales en 1589, lorsque Henri III fuit la ville ligueuse de Paris en 1589 et vint s’établir à Tours, lui redonna temporairement son lustre passé. Son Parlement en particulier y trouva un endroit où siéger. La salle capitulaire, qui jusque-là abritait les officiers des Eaux et Forêts de Touraine, fut transformée en salle d’audience. Les avocats et procureurs, quant à eux, investirent le grand réfectoire. Dans la foulée de l’installation du parlement, des boutiques d’imprimeurs-libraires, au service de l’institution, prirent place dans le cloître. Cette nouvelle vocation politique qui fut cependant éphémère. Le parlement, et avec lui son personnel et les libraires regagnèrent Paris dès 1594. À partir de cette date, ce fut le Présidial qui prit ses quartiers dans l’abbaye [Augereau, 2003, p. 613].

 

Église Saint-Julien, vue intérieure, Anonyme, 1820/1840, photographie d’une gravure, 9 x 12 cm, Tours, Société archéologique de Tours, 0209-0001.
Crédits : © Société archéologique de Touraine

 

Le XVIIIe siècle apporta d’importants changements à l’abbaye. Les chanoines furent contraints de vendre une partie des terres situées à l’est de leur enclos. Le logis de l’abbé fut laissé à la disposition du gouverneur de Touraine. Malgré leur mécontentement, les chanoines de Saint-Julien durent à nouveau céder une partie de leur terrain. Le tracé de la nouvelle rue Nationale passait dans la partie nord-ouest de l’enclos de l’abbaye. À la Révolution, l’abbaye est saisie et divisée en 12 lots afin d’être vendue comme bien national en 1798 et 1799. Seuls l’église et les bâtiments autour du cloître demeurèrent. Ils furent d’abord utilisés par l’armée puis furent convertis en relais de diligences. L’église fut vendue en 1843 puis restaurée entre 1846 et 1857 avant de retrouver sa fonction de lieu de culte. La ville se porta acquéreur du reste des bâtiments. La guerre n’épargna pas l’abbaye et les constructions situées à l’est furent détruites [Leveel, 1994, p. 17]. Aujourd’hui propriété de l’État, l’église est toujours ouverte au culte et reçoit des expositions et concerts. Le reste, propriété de la ville, abrite notamment le musée du Compagnonnage.

 

Bibliographie

Augereau Laurence, La vie intellectuelle à Tours pendant la Ligue (1589-1594), Thèse de doctorat en Littérature française, Tours, Université de Tours, 2003.
Chalmel Jean-Louis, Tablettes chronologiques de l’histoire civile et ecclésiastiques de Touraine, Tours, Letourmy, 1818.
Dugay M., L’abbaye Saint-Julien de Tours aux XVIIe et XVIIIe siècles, Mémoire de maîtrise d’Histoire sous la direction de Robert Sauzay, Université de Tours, Tours, 1991.
Giraudet Eugène, Histoire de la ville de Tours, T. 1, Tours, 1883.
Guerlin Henri, « L’église de Saint-Julien de Tours », dans Bulletin Monumental, 1921, 80, p. 186-195.
Leveel Pierre, La Touraine disparue, Chambray, C.L.D., 1994.
Noizet Hélène, « Chapitre VI. Moines et laïcs de Saint-Julien (940-1114) », dans La fabrique de la ville : Espace et sociétés à Tours (IXe-XIIIe siècle), Paris, Éditions de la Sorbonne, 2007.


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